Les quotidiens
continuent de se réorganiser. Dernier en lice, La Presse, fort d’un déficit de
dizaines de millions de dollars, annonce qu’elle deviendra une OSBL. Comment
expliquer ce recul ?
Plusieurs
phénomènes expliquent le lent déclin des quotidiens : les quotidiens ont
augmenté leur tarif, la classe moyenne a quitté les centres-villes, l’avènement
des chaînes de nouvelles en continue à la télévision ont eu pour effet de
transformer la notion d’information, les jeunes lisent de moins en moins et un
plus grand nombre de lecteurs affirment lire l’exemplaire de quelqu’un d’autre,
que ce soit dans le restaurant, au bureau ou chez un ami, l’arrivée de nouveaux
compétiteurs comme le Huffington Post et bien sûr, l’effet numérique qui
se fait particulièrement sentir sur le plan publicitaire depuis 2008 au Canada.
Comme je le
mentionne à Stéphane Gasse de BLVD FM, les quotidiens ont largement fait les
frais de la montée spectaculaire d’internet. Entre 2004 et 2014, la presse américaine
a vu ses revenus publicitaires passer de 45 milliards $ à 20 milliards $. Pendant
la même période, les recettes liées aux éditions numériques sont passées de 2
milliards $ à 5 milliards $.
Au Canada, la
crise des médias a fait plusieurs victimes dans le monde des quotidiens : le Halifax
Daily News a fermé ses portes ; le journal La Presse a mis fin à
son édition papier le 31 décembre 2017 ; le National Post a cessé de
publier une version papier le lundi ; Le Soleil a cessé
l'impression de son édition du dimanche en mars 2018 ; le Halifax
Chronicle-Herald a fait disparaître son édition du dimanche de façon
permanente ; Transcontinental a décidé de vendre ses hebdos au Québec.
Pire encore,
dans un échange de plus de 40 journaux réalisé en 2017, les deux plus grandes
entreprises de presse écrite au Canada anglais, Torstar et Postmedia a annoncé
la mort de 35 publications, dont Metro Ottawa, Metro Winnipeg,
24 hours, 24 Hours Toronto et 24 Hours Vancouver.
Dans ce contexte
difficile, le gouvernement du Québec a accordé à la fin 2017 un prêt de 10
millions $ au Groupe Capitale Médias, qui publie les journaux Le
Soleil, Le Nouvelliste, Le Droit, Le Quotidien, La Voix de
l'Est et La Tribune, et
un prêt de 526 000 $ au quotidien montréalais Le Devoir.
Signe des temps,
Le Devoir et Capitales Médias (Le Soleil, Le Nouvelliste, La
Tribune, Le Droit, Le Quotidien/Le Progrès et La
Voix de l'Est ) ont décidé de travailler main dans la main pour les ventes
de publicités nationales. Groupe Capitales Médias assurerera la représentation
des deux entreprises de presse auprès des annonceurs nationaux.
Aux États-Unis,
le Rocky Mountain News a fermé ses portes ; le Seattle
Post-Intelligencer a cessé de publier son édition papier pour se
concentrer sur sa version en ligne ; le Detroit Free Press et le Detroit
News ont mis fins à la livraison à domicile quatre jours par semaine ; le Christian
Science Monitor a renoncé à sa version papier sur semaine.
Chez les adultes
qui lisent un quotidien, 47 %
ne lisent qu’en version imprimée, 28
% ne lisent qu’en version numérique et 25 % lisent sur des plateformes
imprimées et numériques. Le lectorat en version imprimée est plus fort (56 %) pour les journaux locaux de
marchés non métropolitains. Au cours d’une semaine ordinaire, les journaux
rejoignent 74 % des
milléniaux et 81 % des
boomers (50 à 64 ans).
Les jeunes
adultes aiment lire en ligne et sur leurs mobiles et ont tendance à lire les
quotidiens gratuits imprimés. Les personnes âgées aiment toujours les éditions
imprimées et on ne peut pas les ignorer.
Les éditions
imprimées resteront importantes pour ceux qui préfèrent ce format mais les
éditions électroniques continueront à progresser au fur et à mesure que leur
popularité augmentera auprès des jeunes et des lecteurs qui connaissent bien le
monde numérique.
Pour certains
journaux papier à travers le monde, la solution priorisée pour faire face aux
baisses de tirage des éditions imprimées a résidé dans la formule « site payant
d’information ». Au Canada, le Globe and Mail est un bon exemple de ce
mouvement général, limitant ainsi l’accès gratuit à certains articles
chaque mois. Après quoi, l’utilisateur devra payer pour accéder à
l’information.
Aux États-Unis,
le Wall Street Journal a été le premier à imposer un abonnement payant,
en 1997. Selon Alexandra Blaison, aux États-Unis, les lecteurs sont près de 53
% à payer pour du contenu en ligne : articles exclusifs, expertise dans un
domaine, réduction, etc.
En trois ans
seulement, le New York Times a triplé le nombre de ses abonnés en
ligne qui s’élève à 2,64 millions de lecteurs. Les abonnements
représentent désormais 60 % du chiffre d’affaires annuel du groupe, contre
un tiers seulement pour la publicité.
Ceci dit, à
l’usage, l’option payante en ligne est efficace quand un quotidien offre un
contenu spécialisé, exclusif et/ou international. En effet, on sait que les
gens ne paieront pas pour accéder à des nouvelles générales, ce qui joue contre
les médias généralistes basés sur le scoop et la nouvelle de la journée.
Par exemple, Le
Journal de Montréal et Le Journal de Québec ont leurs propres sites
web, distincts du portail Canoë. Ces plateformes ont été conçues pour favoriser
les échanges entre les internautes, mais aussi avec les chroniqueurs et
blogueurs pour permettre aux utilisateurs de participer au contenu.
La plateforme La
Presse+, conçue exclusivement pour les tablettes électroniques, qui a été
lancée en avril 2013 propose à ses abonnés un contenu entièrement gratuit. En
effet, l’éditeur a plutôt misé sur la hausse du lectorat et des revenus
publicitaires, avec de nouveaux formats numériques et interactifs, conçus dans
la foulée de son développement, pour rentabiliser sa nouvelle formule.
En ce sens, « Le plus grand défi pour les
médias de nouvelles ou d’information est d’équilibrer la transition de
l’imprimé vers le numérique, sans sacrifier inutilement la valeur du modèle
d’affaires », dit Alan Allnutt, rédacteur en chef The Gazette. Les
quotidiens doivent donc évoluer au rythme des lecteurs.
Tant qu’il y en aura
un nombre suffisant de lecteur pour supporter le papier, il survivra. Parallèlement,
il faudra tenir aussi compte du modèle numérique. C’est ce qui explique
pourquoi l'application J5 du Journal de Montréal et du Journal de
Québec accessible sur tablette est offerte en complément de la version
papier, qui reste le vaisseau amiral du Journal de Montréal.