Lancement aujourd’hui sur les écrans nord-américains du dernier film de la série Harry Potter. Plus tôt cette semaine, on apprenait d'ailleurs qu’une copie illégale de 36 minutes du film circulait sur internet. Coup de marketing ou non, voici l’occasion rêvée de revenir sur le succès de la marque Harry Potter.
Au départ, comme je le mentionnais en entrevue à Benoît Dutrizac du 98,5 FM à Montréal, on trouve dans la marque Potter des romans bien ficelés, des objets aux noms magiques, des thèmes éternels (la vie au pensionnat, le passage à l’âge adulte, le bien contre le mal, etc.) et des personnages archétypaux.
Mais pour une auteure qui a l’habitude de nier l’importance du marketing et de la publicité dans son succès personnel, Madame Rowling et son équipe ont plus d’une fois fait preuve d'un sens aigu de la mise en marché.
Pour un, Madame Rowling comprend dès le départ l'importance d'adapter son oeuvre aux différents marchés planétaires. Ainsi, les textes des romans Harry Potter ont été traduits de l’anglais à « l’américain ». Le titre du premier livre Harry and the Philosopher’s Stone est devenu Harry Potter and the Sorcerer’s Stone aux États-Unis.
Madame Rowling a aussi modifié son nom pour attirer le maximum de lecteurs. Au moment de la publication du premier tome de la série, l’éditeur de la première édition demande à Madame Joanne Kathleen Rowling (c'est le véritable nom de l’auteure des romans Harry Potter) de signer ses romans avec un nom neutre, ceci afin de rallier le maximum de jeunes lecteurs masculins.
Depuis ce temps, Madame Rowling utilise les lettres J et K au lieu du prénom Joanne Kathleen pour signer ses livres. Elle devient donc J. K. Rowling.
L’histoire de l’auteur des romans Harry Potter utilise une formule éprouvée. Son mariage raté, sa séparation houleuse et la poursuite qui s’en est suivie, son manuscrit refusé par douze des plus grands éditeurs dont Penguin et HarperCollins, tout cela à été largement raconté dans les revues à potins et dans les journaux à grands tirages. Or, la légende de la mère célibataire sans un sou est en partie un mythe.
Madame Rowling est une relationniste de grand talent. En entrevue, elle affiche un mépris profond pour la publicité (ce qui amuse toujours beaucoup les journalistes), elle minimise le rôle joué par le marketing dans le succès de ses romans (un vieux réflexe d’écrivains, spécialement dans le cas des auteurs à succès) et à l’occasion, elle se moque un peu méchamment du géant Spielberg (une attitude très populaire en Europe, dois-je le dire).
Du côté de son éditeur, la stratégie caractérisant le lancement de chacun des ouvrages est prévisible et toujours efficace. Dans un premier temps, on fait grand état de la date de lancement du prochain livre. Par la suite, on alimente la presse en rumeurs sur le contenu et les intrigues probables du livre.
Par ailleurs, lors d’un lancement de livre ou de film, il y a toujours quelques incidents qui viennent perturber l’ordre normal des choses, comme c’est d’ailleurs le cas avec le film lancé cette semaine (voir premier paragraphe).
Évidemment, on ne manque jamais de mentionner que le dernier livre – ou le dernier film – est peut-être un peu trop effrayant pour les enfants… Un vieux truc qui garantit bien sûr l’intérêt des plus jeunes !
Dans les faits, la machine de communication-marketing de l'éditeur réussit généralement très bien à susciter l’intérêt du lecteur avec des informations spectaculaires : droit du livre, nombre de copies imprimées et vendues, nombre de langues (traduction), ventes le premier jour, montant investi dans la promotion des films, etc.
Idéalement, l’éditeur donne l’information au compte-gouttes pour assurer et maintenir l’intérêt des fans. Dans ce dernier cas, la machine à rumeurs laisse souvent un doute dans l’esprit du lecteur : « Est-ce qu’il y aura assez de livres pour tout le monde ? »
Sans surprise, cette recette a permis à Harry Potter de générer des ventes remarquables. Jusqu’à maintenant, les 7 romans de la série se sont écoulés à 400 millions d’exemplaires et ils ont entraîné des revenus de 5,4 milliards $ à l’échelle planétaire (1,7 milliard $ en Amérique du nord seulement).
Les livres de la série sont vendus dans 140 pays et ils ont été traduit en 67 langues. Le premier livre de la série a même été traduits en latin, en gallois, en gaélique et en grec ancien. Au-delà des chiffres de vente des livres, le succès Harry Potter se mesure par le nombre de supports sur lesquels on retrouve le héros : édition régulière, éditions de luxe, t-shirts, pyjamas, casquettes, sacs à dos, crayons, iPod, agendas, posters, jouets.
Les différents films de la série ont donné naissance à des jeux vidéo (8) conçus par Electronic Arts. Plus récemment, Universal et Warner Brothers ont créé « Le Monde Magique de Harry Potter » à Universal Orlando, en Floride. C’est dire la puissance de la marque Harry Potter.
Au total, les ventes totales de la marque, incluant celles des produits dérivés s’élèveraient à près de 25 milliards $, selon The Times de Londres. À eux seul, les États-Unis représentent 55 % des ventes mondiales. Pour répondre à la forte demande pour les livres de Harry Potter aux États-Unis, le New York Times à même crû bon créer une liste séparée best-seller de la littérature pour enfants, en 2000.
Comprenons-nous bien. Tous ces artifices marketing n’enlèvent rien aux qualités de l’œuvre de Madame Rowling. Il s’agit à l’évidence d’une auteure dotée d’une imagination remarquable. C’est aussi une conteuse hors pair, un talent exceptionnel. Mais à l’évidence, le succès Harry Potter repose également sur une extraordinaire machine de marketing. Il ne faut jamais l’oublier…
Voir aussi :
Entrevue avec Alain Crête du 98,5 FM sur le marketing Harry Potter
Au départ, comme je le mentionnais en entrevue à Benoît Dutrizac du 98,5 FM à Montréal, on trouve dans la marque Potter des romans bien ficelés, des objets aux noms magiques, des thèmes éternels (la vie au pensionnat, le passage à l’âge adulte, le bien contre le mal, etc.) et des personnages archétypaux.
Mais pour une auteure qui a l’habitude de nier l’importance du marketing et de la publicité dans son succès personnel, Madame Rowling et son équipe ont plus d’une fois fait preuve d'un sens aigu de la mise en marché.
Pour un, Madame Rowling comprend dès le départ l'importance d'adapter son oeuvre aux différents marchés planétaires. Ainsi, les textes des romans Harry Potter ont été traduits de l’anglais à « l’américain ». Le titre du premier livre Harry and the Philosopher’s Stone est devenu Harry Potter and the Sorcerer’s Stone aux États-Unis.
Madame Rowling a aussi modifié son nom pour attirer le maximum de lecteurs. Au moment de la publication du premier tome de la série, l’éditeur de la première édition demande à Madame Joanne Kathleen Rowling (c'est le véritable nom de l’auteure des romans Harry Potter) de signer ses romans avec un nom neutre, ceci afin de rallier le maximum de jeunes lecteurs masculins.
Depuis ce temps, Madame Rowling utilise les lettres J et K au lieu du prénom Joanne Kathleen pour signer ses livres. Elle devient donc J. K. Rowling.
L’histoire de l’auteur des romans Harry Potter utilise une formule éprouvée. Son mariage raté, sa séparation houleuse et la poursuite qui s’en est suivie, son manuscrit refusé par douze des plus grands éditeurs dont Penguin et HarperCollins, tout cela à été largement raconté dans les revues à potins et dans les journaux à grands tirages. Or, la légende de la mère célibataire sans un sou est en partie un mythe.
Madame Rowling est une relationniste de grand talent. En entrevue, elle affiche un mépris profond pour la publicité (ce qui amuse toujours beaucoup les journalistes), elle minimise le rôle joué par le marketing dans le succès de ses romans (un vieux réflexe d’écrivains, spécialement dans le cas des auteurs à succès) et à l’occasion, elle se moque un peu méchamment du géant Spielberg (une attitude très populaire en Europe, dois-je le dire).
Du côté de son éditeur, la stratégie caractérisant le lancement de chacun des ouvrages est prévisible et toujours efficace. Dans un premier temps, on fait grand état de la date de lancement du prochain livre. Par la suite, on alimente la presse en rumeurs sur le contenu et les intrigues probables du livre.
Par ailleurs, lors d’un lancement de livre ou de film, il y a toujours quelques incidents qui viennent perturber l’ordre normal des choses, comme c’est d’ailleurs le cas avec le film lancé cette semaine (voir premier paragraphe).
Évidemment, on ne manque jamais de mentionner que le dernier livre – ou le dernier film – est peut-être un peu trop effrayant pour les enfants… Un vieux truc qui garantit bien sûr l’intérêt des plus jeunes !
Dans les faits, la machine de communication-marketing de l'éditeur réussit généralement très bien à susciter l’intérêt du lecteur avec des informations spectaculaires : droit du livre, nombre de copies imprimées et vendues, nombre de langues (traduction), ventes le premier jour, montant investi dans la promotion des films, etc.
Idéalement, l’éditeur donne l’information au compte-gouttes pour assurer et maintenir l’intérêt des fans. Dans ce dernier cas, la machine à rumeurs laisse souvent un doute dans l’esprit du lecteur : « Est-ce qu’il y aura assez de livres pour tout le monde ? »
Sans surprise, cette recette a permis à Harry Potter de générer des ventes remarquables. Jusqu’à maintenant, les 7 romans de la série se sont écoulés à 400 millions d’exemplaires et ils ont entraîné des revenus de 5,4 milliards $ à l’échelle planétaire (1,7 milliard $ en Amérique du nord seulement).
Les livres de la série sont vendus dans 140 pays et ils ont été traduit en 67 langues. Le premier livre de la série a même été traduits en latin, en gallois, en gaélique et en grec ancien. Au-delà des chiffres de vente des livres, le succès Harry Potter se mesure par le nombre de supports sur lesquels on retrouve le héros : édition régulière, éditions de luxe, t-shirts, pyjamas, casquettes, sacs à dos, crayons, iPod, agendas, posters, jouets.
Les différents films de la série ont donné naissance à des jeux vidéo (8) conçus par Electronic Arts. Plus récemment, Universal et Warner Brothers ont créé « Le Monde Magique de Harry Potter » à Universal Orlando, en Floride. C’est dire la puissance de la marque Harry Potter.
Au total, les ventes totales de la marque, incluant celles des produits dérivés s’élèveraient à près de 25 milliards $, selon The Times de Londres. À eux seul, les États-Unis représentent 55 % des ventes mondiales. Pour répondre à la forte demande pour les livres de Harry Potter aux États-Unis, le New York Times à même crû bon créer une liste séparée best-seller de la littérature pour enfants, en 2000.
Comprenons-nous bien. Tous ces artifices marketing n’enlèvent rien aux qualités de l’œuvre de Madame Rowling. Il s’agit à l’évidence d’une auteure dotée d’une imagination remarquable. C’est aussi une conteuse hors pair, un talent exceptionnel. Mais à l’évidence, le succès Harry Potter repose également sur une extraordinaire machine de marketing. Il ne faut jamais l’oublier…
Voir aussi :
Entrevue avec Alain Crête du 98,5 FM sur le marketing Harry Potter