Aux États-Unis, les résultats de la primaire d’hier soir au Nevada
indiquent que l'effet Trump est réel. Reste à savoir si Monsieur
Trump sera capable de maintenir la cadence et de décrocher une majorité de voix
lors de la convention du Parti républicain à Cleveland.
Chose
certaine, qu’on aime ou qu’on aime pas, le marketing politique à la sauce Trump
est d’une redoutable efficacité.
Comme je le rappelle en entrevue à Benoît Dutrizac, construire un personnage
politique comme Donald Trump est une opération délicate. Il faut un
positionnement clair («Je ne suis pas un politicien»), un slogan fort («Make
America Great Again») et une image limpide qui se résume généralement en
quelques mots.
Qui est Donald Trump ? Trump est un riche homme d’affaires toujours
habillé en veston-cravate rouge ou jaune ou bleu, un magnat de l’immobilier, un
négociateur féroce, un auteur à succès et une star de la télé-réalité. Sa
troisième épouse est une ancienne top model. Voilà, tout a été dit !
Au-delà de ces quelques éléments de branding susceptibles de plaire à un
public plus large, Donald Trump a analysé finement son électorat primaire. Pour
un, il a compris que le Parti républicain est une coalition fondée sur trois
éléments : religion, économie de marché et armée.
En ce sens, Donald Trump annonce que s’il est élu président des
États-Unis, le pays aura une armée forte (« tellement forte que nous n’aurons
pas à l’utiliser » comme il le répète constamment dans ses discours), une économie
ravigotée et des victoires par-dessus victoires sur le plan international («
winning, winning, winning »). Dans ce dernier cas de figure, il se positionne
clairement à l’encontre de Barack Obama jugé trop faible par les républicains.
Dans un aspect moins convaincant de son discours et pour plaire au lobby
religieux, il nous rappelle aussi que son livre favori est la Bible. J’ai mes
doutes…
Comme l’ont montré des générations de politiciens avant lui, le
marketing politique repose sur des lois immuables, par exemple la capacité
d’identifier des ennemis de la nation. Pour Donald Trump les ennemis
s’appellent Mexique, Chine, Japon, Iran et ISIS, et il adopte pour chacun
d’entre eux une position sans appel.
La notion de mur entre le Mexique et les États-Unis est un bon exemple.
La phrase slogan « Take the Oil » en lien avec ISIS est un autre exemple.
À l’ère des médias sociaux, il faut évidemment maîtriser les outils de
la nouvelle communication. Et dans ce cas, Trump s’en fait une
spécialité : Twitter, YouTube et Facebook. Autant d’outils qu’il emploie
pour orienter le débat ( « Un autre sondage me place en tête»), corriger le
tir, répondre à un adversaire démocrate ou insulter un opposant républicain,
que ce soit John McCain, la famille Bush.
Trump a une autre qualité qui le démarque de la compétition
républicaine. Tout comme Bernie Sanders du Parti démocrate, Donald Trump sait
tabler sur certains mouvements sociaux forts qui agissent souvent comme de
gigantesques aspirateurs capables de vous déplacer vers le haut quand ils sont
habilement employés.
À cet égard, Trump est dans une classe à part. Il débute chaque
allocution par trois petites phrases simples qui le positionnent dans la
tête de l’électeur : « Je ne ferai pas dans la rectitude politique… avec moi on
fêtera à nouveau Noël » ; « Je ne vais pas m’excuser, fini la rectitude
politique » ; et « Je ne veux pas votre argent, je suis un milliardaire
indépendant de fortune contrairement à mes opposants ».
L’intuition Trump lui permet de saisir une autre balle au bond : le
mépris et le cynisme grandissants des gens à l’égard des médias traditionnels
qui s’expriment chaque jour dans les médias sociaux et dans les conversations
autour de la cruche d’eau. Il faut voir la réaction du public dans la salle
pour s’en convaincre.
Dans
sa quête du pouvoir, Donald Trump accepte que sa marque ne plaira pas à tous.
Plus facile à dire qu’à faire. C’est l’une des clés du succès en politique.
Pour un maniaque de marketing politique comme moi, l'effet Trump
est un phénomène rare et donc fascinant à observer.
Comme le montre les cotes d’écoute aux débats des chefs, c'est devenu le
principal attrait de cette campagne à la chefferie du Parti républicain.
Mais à l’évidence, sur le plan du marketing politique, Trump est dans une classe à part, un communicateur d’exception qui sait lire avec beaucoup de talent l’électorat américain qui n’est jamais sorti de la crise financière de 2008. Car le problème, il est là, entier.