Mettons tout d’abord les choses au clair :
les sondeurs ont échappé le ballon en plaçant le parti Libéral en
troisième position dans les intentions de votes lors de l’élection d’hier au
Québec.
Le dernier sondage de la firme CROP pour La
Presse accordait 32% des intentions de vote au Parti Québécois, 28% à la
Coalition avenir Québec et 26 % au Parti libéral.
De son côté, le dernier sondage Léger Marketing
donnait 33% des intentions de vote au PQ, 28% au PLQ et 27% à la CAQ.
Dans les faits, le PQ a recueilli 31,9 % des
voix contre 31,2 % pour le Parti libéral. C’est donc un tout petit 0,7 % des
voix qui sépare en réalité le PQ du PLQ, ou si vous aimez mieux, 54 comptés pour le Parti Québécois versus 50 comptés pour le Parti libéral.
En répartissant les discrets à la proportionnelle
dans chacun des sondages de cette campagne, les sondeurs ont commis un
impair important.
L’expérience passée est pourtant riche
d’enseignement. À une exception
près (l’élection de 2003 au Québec), un pourcentage significatif de discrets
votera au final pour le parti Libéral : autour de 50 %, parfois davantage.
C’est sans compter la tendance des Allophones discrets à voter massivement pour
le Parti libéral au Québec.
(Dans le cas des deux référendums québécois,
cette marge est encore plus importante : jusqu’à 75 % des discrets
voteront au final pour le camp du NON.)
Tout au long de la campagne, la professeure
Claire Durand(1) du département de sociologie de l’Université de Montréal a mis
en garde ses lecteurs contre le danger de la répartition proportionnelle des
discrets dans son blogue et dans cet article publié sur le site LaPresse.com.
Comme le rappelle Pierre Drouilly, sociologue
électoral à l'Université du Québec à Montréal (UQAM) : « Lorsqu'on
effectue un sondage, il y a toujours une proportion non négligeable de gens qui
refusent de répondre à certaines questions. »
« L'analyse des sondages montre, de manière
récurrente, que le profil socio-démographique des répondants discrets n'est pas
le même que celui des répondants qui expriment leurs intentions de vote. »
« On retrouve plus de répondants discrets parmi
les femmes, les personnes âgées, les personnes faiblement scolarisées, celles
ayant des bas revenus, en milieu rural plus qu'en milieu urbain, et parfois
parmi les non-francophones. Or tous ces groupes ont en général tendance à
appuyer plus fortement les partis politiques fédéralistes. »
« C'est le même phénomène, souvent appelé
«prime de l'urne», qui fait que, dans toutes les consultations électorales
depuis 1970 sauf une, le Parti libéral obtient davantage, le jour du vote, que
ce que les derniers sondages précédant le vote lui attribuent par cette méthode
de répartition proportionnelle. »(2)
D’ailleurs, comme l'indique Daniel Leblanc,
journaliste à l’Actualité, c’est grâce à un modèle élaboré par le sociologue et
sondeur Pierre Drouilly que le Bloc Québécois a compris qu’une véritable
hécatombe se dessinait pour le parti souverainiste fédéral lors de l’élection
de 2011 au Canada.(3)
Interrogé hier soir à TVA sur l’écart observé
entre le vote anticipé et le vote observé du parti Libéral, Jean-Marc Léger de
la firme Léger Marketing a semblé minimiser l’erreur des sondeurs, préférant
plutôt mettre l’emphase sur les résultats péquistes et caquistes. On aurait espéré
mieux comme réponse.
En espérant que l’on tirera des leçons de cet
impair lors de la prochaine campagne électorale. C’est dans l’intérêt de tous
les partis, des maisons de sondages et des électeurs.
Sources :
(1) Par ailleurs, Claire Durand ne fait pas
confiance aux enquêtes internet. « On peut penser que les électeurs libéraux,
plus âgés, sont sous-représentés de deux ou trois points dans ces échantillons
», disait-elle en entrevue à Denis Lessard du quotidien La Presse le 25
février dernier.
(2) Pierre Drouilly,
« Sondages: le PLQ est en meilleure posture qu'il n'y paraît », Le Devoir, 6 mars 2007, p. a7.
(3) Daniel Leblanc, « Les dernières heures d’un
chef », L’Actualité, 15 juin 2011, p. 28.