C’est hier soir que le
Centre Videotron ouvrait officiellement ses portes. Pour l’occasion, les
anciens Nordiques ont participé à une période de réchauffement dont Guy
Lafleur, Alain Côté, Michel Goulet et Marc Tardif, capitaine des Nordiques lorsque ceux-ci
remportèrent la Coupe Avco
en 1977.
Marc Tardif est né le 12 juin 1949, à Granby. "Comme la plupart des
joueurs de mon époque, j'ai commencé à jouer au hockey à l'extérieur, maniant
tantôt le hockey, tantôt la gratte."
Rapidement, les éclaireurs du Canadien notent le talent de Tardif. "Je
me souviens qu'à 16 ans, l'organisation est venue rencontrer mes parents, pour
les persuader de me laisser aller jouer à Thetford-Mines. Pour les convaincre,
le Canadien promit l'hébergement et les études gratuites. À ma grande joie, mes
parents acceptèrent. Le propriétaire de l'époque était Émile Couture. J'ai eu
la chance de côtoyer Gilbert Perreault et Réjean Houle.
Au niveau junior, Tardif évolue au sein du Canadien junior, avec les Pierre
Bouchard et Guy Lapointe, devant des foules de 18 000 personnes. "C'était
formidable de voir l'engouement des gens pour le hockey junior. Ces années
restent à jamais marquées dans ma mémoire; ce sont des moments
inoubliables."
En 1969, Tardif devient le deuxième choix du Canadien. Lors de son premier
entraînement, l'ailier gauche se retrouve face à face avec son idole de
jeunesse, Jean Béliveau, ce qui ne manqua pas de l'impressionner. " Je
tremblais de partout, une sorte de rêve était devenu réalité."
Après quatre années de 3, 19, 31 et 25 buts avec le Canadien, Tardif choisit
de quitter le Canadien pour les Sharks de Los Angeles, de l'Association
mondiale. Le contrat d'une durée de trois ans permet à Tardif d'empocher 150
000$ par saison, une somme importante pour l'époque. "J'avais obtenu un
contrat blindé. L'argent était garanti quoi qu'il advienne. Dans le cas
inverse, je ne pense pas que j'aurais tenté pareille aventure."
Tardif ne peut s'empêcher desquisser une moue lorsqu'il repense aux Big Bad
Sharks. "Dirigée par Terry Slater, l'équipe était composée de trois ou
quatre joueurs de hockey tout au plus. Pour ce qui est du reste, on comptait
sur une brigade de démolisseurs, des "goons" de la pire espèce."
"Un soir, notre entraîneur nous avait avertis que ça chaufferait.
Houle, alors avec les Nordiques, et moi-même, nous nous étions entendus avant
le match pour nous empoigner solidement le chandail si ça brassait.
Dès que la
foire a commencé et que les deux bancs se sont vidés, je me suis accroché à
Houle. Le plus comique dans tout cela, c'est que plusieurs autres joueurs des
Nordiques ont tenté de me rejoindre, en vain. Certains ont alors subi de
sévères corrections. C'était pas drôle à voir."
"Avec du recul, on peut dire que le hockey professionnel en général
traversait alors une période sombre. Le trop grand nombre d'équipes forçait
plusieurs organisations à combler les postes avec des bagarreurs de rues, des
bouffons. On ne vendait plus du hockey, on vendait de la violence."
Malgré cet étalage de gros bras, la concession de Los Angeles ne fait pas
long feu. Deux hommes d'affaires, Charles Nolton et Peter Shagena, achètent
l'équipe et la relocalisent à Détroit. Tardif porte désormais le chandail des
Stags du Michigan et l'équipe se produit au Cobo Hall de Détroit.
Pendant ce temps, les Nordiques connaissent de sérieux problèmes. Les
maigres assistances aux matchs de l'équipe québécoise amènent Maurice Filion à
donner l'alerte rouge. Les Nordiques sont sur les dents. Il faut bouger.
Faisant fi de l'humeur des amateurs, Filion échange le 8 décembre 1974 les
joueurs Michel Rouleau, Pierre Guité et Alain Caron aux Stags en retour de
Tardif et du robuste Steve Sutherland. L'année suivante, il ajoute les durs à
cuire Gordie Gallant, Curt Brackenbury et Bob Fitchner. Les Nordiques peuvent
désormais se vanter de pouvoir faire face à la musique.
Les trois années qui vont suivre seront hautes en couleurs. Grâce au trio
Tardif-Bordeleau-Cloutier, les Nordiques se hissent au rang d'équipe
championne. En 1974-75, l'ailier
gauche compte 38 buts en 53 matchs.
Un an plus tard, Tardif connaît une saison
de 71 buts et 77 passes, ce qui lui permet de finir au premier rang des
marqueurs de l'Association mondiale. En 1976-77, les Nordiques remportent la Coupe Avco. Puis, en
1977-78, Tardif récidive et remporte de nouveau le championnat des compteurs.
Plus que jamais, l'athlète de Granby maîtrise toutes les facettes du jeu.
"C'était le bon temps. Le jeu de l'AMH était ouvert, les passes vives
et les séquences imaginatives. Les Européens rendaient le jeu plus rapide. Chez
les Jets de Winnipeg (que nous avions rencontrés en finale), Bobby Hull, Anders
Hedberg et Ulf Nilsson étaient magnifiques à voir jouer. Du beau hockey!"
"Les Nordiques étaient redoutables à l'attaque avec les Cloutier,
Bordeleau, Bernier et Houle. On l'oublie trop souvent, mais Cloutier était plus
qu'un compteur, c'était également un redoutable fabricant de jeu, un joueur
intelligent avec la rondelle. De son côté, Tremblay était toujours aussi
magique à la ligne bleue."
En 1979, les Nordiques accèdent à la Ligue nationale. Durant cette première saison,
Tardif forme le trio vedette, aux côtés de Robbie Ftorek et Réal Cloutier.
Michel Dion protège la cage des Québécois et le vétéran Gerry Hart patrouille
la ligne bleue. Après une première demi-saison, au cours de laquelle l'équipe affiche
une moyenne de .500, le club s'écroule. Tardif termine la saison avec une fiche
de 33 buts et 35 passes.
Tardif annonce officiellement sa retraite en 1983. "Contrairement à
plusieurs joueurs, j'ai su préparer ma retraite. Les annonces publicitaires que
je réalisais en 1983 pour Gilles Bédard, un concessionnaire automobile de
Lévis, m'avaient permis de m'initier au domaine de l'automobile. J'ai donc
décidé de me procurer une franchise GM. Depuis, les affaires vont bien et j'ai
fait récemment l'acquisition du manoir St-Castin au lac Beauport." Il
s'est porté depuis acquéreur d'une franchise Toyota (Toyota Charlesbourg).
Invité à raconter son meilleur coup, Tardif réfléchit quelque peu et répond:
"C'était en janvier 1972. Toutes sortes de rumeurs couraient alors au
sujet de mon grand ami Réjean Houle. On parlait, entre autres, d'un échange
important. J'ai alors eu l'idée suivante, que je trouve incroyable en y
repensant."
"J'ai fait appeler mon beau-frère qui pouvait imiter à merveille
l'accent de Sam Pollock. Celui-ci a demandé à Houle de le rencontrer au Forum
le soir du premier de l'An.
Houle estomaqué a cru à un échange. Il a annulé son
souper du jour de l'An pour se rendre à toute vitesse au Forum et se cogner le
nez sur des portes fermées à clé. Il eut beau faire le tour pour trouver une
façon de rentrer dans le temple, rien n'y fit."
"Le lendemain, sentant qu'il avait été victime d'une bonne blague,
Réjean est venu me rencontrer pour me raconter toute l'histoire. J'ai eu toutes
les difficultés du monde à ne pas éclater de rire. Réjean était furieux,
enragé. Je ne lui ai avoué mon coup que deux ans plus tard."